Peintures




Mise à jour : 01/09/2013

TRAVAIL de FIN de CYCLE

2006-2007

Josette LAURENT

Atelier de Mireille Vincent

Ecole des Arts d’Ixelles

Belgique

MASACCIO 1401-1428

INDEX

Introduction (page 3)

Vie de Masaccio

· Influence de Brunelleschi (page 5)

· Influence de Giotto (Cimabué, Giotto pages 6 et 7)

Œuvres :

· La Trinité (page 8)

· Masaccio et Masolino (page 9)

· Les fresques de la Chapelle Brancacci (pages 10 à 18)

· Autres œuvres (page 18)

Mort de Masaccio (page 18)

Conclusion (pages 18 et 19)

Annexe I : propos et citations (page 20)

· Vasari

· Michel-Ange

· Léon Battista Alberti

· Eugène Delacroix

· Marc di Napoli

Annexe II :

Ressemblance étonnante, le suaire et le visage du Christ de Masaccio (page 21)

Annexe III : Le travail de la fresque (page 22)

MASACCIO 1401-1428

Faire un choix parmi tous les artistes de la Renaissance, n’a pas été chose aisée tant cette époque regorge de génies dans toutes les disciplines.

Mon travail de fin de cycle clôture de nombreuses années pendant lesquelles mes différents professeurs à l’Ecole des Arts d’Ixelles m’ont prodigué leur enseignement artistique en peinture.

Les cours de l’Histoire de l’Art m’ont fait découvrir la période de la Renaissance et notamment un peintre qui était, pour moi jusqu’à cette année, totalement inconnu, et pourtant, cet artiste est l’un des plus grands et des plus importants peintres du 15ème siècle, initiateur de la peinture de la Renaissance.

Il s’agit de Tommaso di Giovanni Cassai, dit Masaccio pour lequel j’ai de la tendresse et une grande admiration.

.Il peint, au cours d'une carrière aussi brève que fulgurante, une série de tableaux d'églises et de fresques qui marquent un point tournant dans l'art occidental par l'usage novateur et résolu qu'il fait de la perspective, par le réalisme des mises en scènes, des décors et l'extraordinaire intensité des sentiments qu'il exprime.

Il faudra vraiment attendre près d'un siècle pour qu'il se présente des génies de taille à lui succéder, un Léonard de Vinci [1] ou un Raphaël.

Si Masaccio avait vécu plus longtemps et si le destin n’avait pas été aussi ingrat envers lui, cet artiste aurait peut-être éclipsé Raphaël [2] , qui sait ? (Delacroix [3] « revue de Paris-1830 »

INTRODUCTION :

Après la terrible crise de 1348 [4] et la lente reprise de la seconde moitié du siècle, Florence est en train de devenir la capitale d'un État régional. Avec la conquête de Pise (1406) [5] , la ville réalise une aspiration séculaire et peut se donner l'illusion, pour la dernière fois, qu'elle constitue de nouveau, comme à la fin du XIIIe siècle, le centre de décision de l'histoire. C'est alors qu'on assiste à une surprenante reprise de cette confiance en la raison qui avait déjà été au fondement de la révolution de Giotto.

Masaccio représente dans la peinture ce bref moment de l'histoire de Florence.

Dans « sa vies de peintres », Vasari [6] fait une description très complète de Masaccio. Ce texte présente très bien l’homme, l’artiste, l’époque et bien qu’elle soit un peu longue, et par respect, je le cite, ci-dessous, en entier :

«….. La Nature a pour coutume, lorsque survient une personne qui excelle dans une profession de faire apparaître un autre concurrent de talent, en même temps et au même endroit, pour la raison qu'ils peuvent s'inspirer et s'encourager mutuellement. Ce qui a pour avantage, outre ce que cette coïncidence apporte aux deux concurrents, d'accroître leur ascendant sur les générations futures d'artistes qui dépenseront ingéniosité et industrie pour acquérir la glorieuse réputation dont on ne saurait passer une journée sans louer les maîtres anciens.

Et ceci est vrai car Florence a produit à la même époque Filippo (Brunelleschi), Donato (Donatello), Lorenzo (Ghiberti), Paolo Ucello et Masaccio, chacun excellent artiste dans leur genre, et qui contribuèrent à dépasser la manière grossière et rude qui s'était maintenue jusqu'à leur époque. La magnificence de leurs ouvrages eut une telle influence sur leurs successeurs que les techniques propres à chaque métier atteignirent cette grandeur et cette perfection que l'on peut voir à notre époque.

Nous sommes redevables à ces précurseurs de nous avoir montré la voie vers le grand art: et quant à la bonne manière de peindre, à Masaccio en particulier, car le premier, il perçut que la peinture est simplement la contrefaçon de toutes choses vivantes, et l'art d'imiter leurs couleurs et leur dessin et que le meilleur peintre est celui qui parvient à reproduire le plus fidèlement ce qu'il voit.

Masaccio qui avait compris cela, peut être compté, grâce à ces continuelles études, parmi les pionniers qui nous ont débarrassé de la manière rude, imparfaite et difficile entravant l'art de peindre. Partant de ce principe, il conféra à ses personnages de belles attitudes, du mouvement, de la fierté et de la vie, un relief propre et naturel à ces figures, ce qu'aucun peintre n'était parvenu à faire avant lui.

Parce qu'il était doué d'un jugement très sûr, il reconnut que les figures qui ne posaient pas pied sur le sol, mais qui étaient comme sur la pointe des pieds, manquaient complètement de réalisme dans les parties importantes et que la couleur indiquait clairement un manque de connaissance de la perspective chez ceux qui les avait peintes. Bien que Paolo Uccello ait tenté avec quelque succès de pallier cette difficulté, Masaccio introduisit de nouvelles techniques et accomplit des raccourcis, vus sous tous les angles, mieux que quiconque ne l'avait fait avant lui.

Ses peintures étaient d'une grande douceur et harmonieuses, accompagnant les tons de chairs des visages et des corps dénudés des teintes des drapés qu'il dessinait à l'aide de quelques plis larges et généreux, comme ils apparaissent naturellement. Ce qui fut d'une grande utilité pour les artistes et ce qui fait que Masaccio peut en être considéré comme l'inventeur.

En vérité les oeuvres réalisées avant lui peuvent se réclamer du titre de peintures, mais les siennes possèdent de la vie, sont vraies et naturelles par comparaison avec celles des autres. »

Tommaso di Giovanni Cassai, dit Masaccio, est né à San Giovanni Altura (aujourd'hui San Giovanni Valdarno, près de Florence), le 21 décembre 1401 où se trouvent encore, dit-on, quelques figures peintes par lui dans sa première jeunesse.

Il a cinq ans, en 1406, quand son père, artisan devenu notaire meurt. Cette même année, naît son petit frère surnommé Giovanni qui sera lui aussi peintre sous le nom de Scheggia. Sa mère Monna Jacopa de Martinozzo se remarie avec un marchand d’épices, Tedesco des Maestro Feo, veuf lui aussi, mais bien plus âgé. Il garantira à la famille un niveau de vie confortable.

Après la mort de son père, Masaccio suit une première formation chez son grand’père qui tenait un atelier de mobilier.

A16 ans, en 1417, il s’installe à Florence avec sa mère et son frère avec lesquels il vivra jusqu’à sa mort.

Il entre dans l’atelier de Bicci di Lorenzo, et se familiarise avec les œuvres de Donatello [7] (sculptures) qui deviendra son ami, son maître et son protecteur et de Brunelleschi [8] (architecture) qui sera également son ami.

Wikipédia

Photo Josette LAURENT

Photo Josette LAURENT

DONATELLO

BRUNELLESCHI

DAVID

Statue équestre du Guattamelata

Le Dôme à Florence

L’église San Lorenzo

Inscrit, comme presque tous les artistes, dans la corporation des Médecins et Pharmaciens, il fait également partie du cercle des novateurs [9] du peintre Masolino da Panicale, (1353-1440?), natif du même village que lui. Ils deviendront amis malgré leur différence d’âge.

.

Brunelleschi enseigna à Masaccio la perspective linéaire et les applications qui en découlent :

Vasari dira de Brunelleschi, dans « vies des peintres : « il étudia beaucoup la perspective alors mal appliquée, à cause des nombreuses erreurs que l’on commettait ; il y perdit beaucoup de temps, jusqu’à ce qu’il eût trouvé par lui-même une manière de la rendre plus juste et parfaite, en faisant le plan, le profil et les intersections, découverte vraiment ingénieuse et très utile aux arts du dessin. Il y prit tellement de plaisir que de sa main, il retraça la place San Giovanni, avec la répartition des marbres noirs et blancs incrustés sur les murailles et dont les bandes allaient en diminuant avec une grâce singulière ….. »

Brunelleschi en fait la démonstration à partir d'une expérience réalisée sur la place San Giovanni à Florence en 1415 avec un miroir et un dessin monté sur une planchette. Il réalise d'abord un dessin du baptistère de Florence selon une perspective rigoureuse (ligne d'horizon, point central et lignes convergentes). Son dessin est monté sur une planchette dans laquelle il a percé un trou pour voir l'image du baptistère de la cathédrale se réfléchir dans le miroir. Ainsi, n'importe quel observateur se tenant à l'endroit où le dessin du baptistère fut réalisé, peut constater qu'il se superpose parfaitement à l'édifice réel, créant ainsi une illusion parfaite de la réalité.


(photos Internet)

Si Brunelleschi fut celui qui a démontré les principes de la perspective linéaire, la véritable explication scientifique du phénomène sera réalisée par le théoricien et architecte, Léon Battista Alberti (1406-1472) dans son traité Della Pictura (1435). Il y explique que l'oeil constitue le point de vue à partir duquel se construit une pyramide visuelle, l'oeil étant le sommet et la surface plane du tableau où se forme l'image constituant la base.

Masaccio connaît l’art de Giotto.

L'oeuvre de Giotto (1267-1337) marque véritablement la rupture avec l'art traditionnel du Moyen-Âge. Il introduit, dans la peinture de ses fresques un souci de réalisme tout à fait nouveau et inédit dans l'art occidental. Les 28 fresques ornant l'église supérieure de la basilique Saint François à Assise qui illustrent le génie de ce peintre annoncent la Renaissance du XVe siècle. La perspective, encore empirique, est suggérée par la représentation des édifices dont l'architecture s'inspire déjà de l'héritage de l'Antiquité.

On sait peu de chose de la vie et de la formation de Giotto. Né près de Florence en 1267, décédé en 1337, entré dans l’atelier de CIMABUE en 1272, il voyage à Rome en 1291.

Vasari note : " On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d'une manière si frappante une mouche sur le nez d'une figure commencée par Cimabue que ce maître, en se remettant à son travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s'apercevoir de sa méprise. " Lui aussi dépassa le Maître.

A la fin du Moyen Age, le style byzantin règne toujours dans la peinture dont un des maîtres de l’époque fut Cimabue. Qui assure le renouvellement de la peinture byzantine en rompant avec son formalisme et en introduisant des éléments de l'art gothique, tels que le réalisme des expressions des personnages.

La légende, aussi révélatrice que pittoresque, dit que c’est lui qui découvrit un jour le jeune berger Giotto. C’est l’histoire du maître dépassé par son élève, mais c’est en même temps le récit de la confrontation de deux époques : celle du Moyen Age et celle de la Renaissance, de l’ombre et de la lumière, de l’irréel et de la nature

(Photo Internet)

CIMABUE 1240Florence-1302 Florence

La Majesté de Sainte Trinité (Florence Offices) Vierge aux anges, vers 1290

Le travail de Cimabué, Maître de Giotto ressemble à l’art byzantin, aux icônes [10] .

Le fond doré est une manière d’affirmer la transcendance, le sacré

(Photo Internet)

GIOTTO 1267

Vespignano 1337 Florence

Madone en majesté entourée de saints et d'anges (vers 1305-10)

Les personnages de Giotto sont plus expressifs que ceux de Cimabue. On devine les formes du corps de la Vierge chez Giotto tandis que les drapés de Cimabue les cachent.

Chez Giotto, les anges sont bien posés dans l’espace et début de perspective.


(Photo Josette LAURENT juin 2009)

CIMABUE

On voit sur le crucifix les dommages causés par les dernières inondations de novembre 2006


(Photo Josette LAURENT juin 2009)

GIOTTO

Crucifix 1316 bois Florence

Santa Croce Florence

 

La chapelle des Scrovegni (Reginaldo Scrovegni, usurier célèbre de Padoue) de Giotto est une des réalisations les plus magistrales de l’histoire de l’art occidental. Ce cycle de peintures murales réalisées au début du XIVe siècle présente une unité et une cohérence inouïe, une gamme de couleurs d’une rare vivacité et des figures dotées d’une grande force expressive. C’est l'un des tournants de l'histoire de la peinture européenne.

Photos Internet

Les personnages de Giotto ont quelque chose de naturel, de profondément humain. Le peintre a cherché à camper ses scènes dans un environnement terrestre qui puisse, tant que possible, être crédible. Evidemment, les architectures semblent trop petites par rapport aux personnages, mais elles jouent leur rôle de décor théâtral. Si elles l'imposèrent dès son époque comme un artiste fondamental, on peut constater aujourd'hui combien son influence fut essentielle sur l'art et la pensée universelle, en Italie comme dans toute l'Europe.

Autres œuvres de Giotto. (Photos Internet)

Madone à l’enfant

1320- bois

St François recevant les stigmates

St François prêchant aux oiseaux

L’apparition à un frère

1320 fresque

Les crucifix peints sont les crucifix du pauvre, imitant l'orfèvrerie (auréole poinçonnée comme un objet d'orfèvrerie). Sur la Croix peinte de Giotto, la tête du Christ et l'auréole sont penchées vers le fidèle. Le Christ est entouré de la Vierge et de St Jean. Le pélican qui s'arrache les entrailles pour nourrir sa progéniture symbolise le Christ donnant sa vie pour racheter le péché du monde.

Masaccio a vu les œuvres de Cimabue et surtout celles de Giotto. Il s’en est imprégné mais n’a pas copier le Maître.

On peut considérer que l’œuvre de Masaccio prend le relais sur celle de Giotto et que la renaissance picturale commence.

Masaccio commença à peindre à l'époque où Masolino da Panicale travaille dans la chapelle Brancacci de l'église des Carmine à Florence.

La 1ère grande réalisation de Masaccio fut les fresques qu’il exécuta pour l’Eglise Santa Maria del Carmine, église construite en 1268 dans le quartier ouest de la ville, au-delà du fleuve.

Ces fresques se distinguent par le brio du clair-obscur et l’application des lois de la perspective découvertes par Brunelleschi. L'exemple le plus célèbre de cette application est la Trinité [11] qui fut retrouvée dans l'église Santa Maria Novella, en 1861, cachée derrière La Madone du Rosaire, un tableau qu'avait peint Vasari. On prétend que celui-ci l'aurait caché volontairement pour le sauver.

La trinité 1427 Masaccio (Photo Internet)

La trinité 1427 Masaccio

Cette Trinité, est la première œuvre picturale réalisée selon les nouvelles règles mathématiques de la perspective découvertes par Brunelleschi. Elle marque le début de la Renaissance.

Fresque de 6.50m de haut sur 3m de large, 25 jours de réalisation, elle donne l'impression à l'observateur de regarder à l'intérieur d'un espace tridimensionnel.

Derrière le Christ en croix, un plafond voûté à caissons. Les traits de perspective furent peut-être tirés par Brunelleschi lui-même car ils étaient de grands amis malgré leur différence d’âge. Selon Vasari, cela donne l'impression que la voûte "troue le mur".

La partie inférieure de la fresque, très sobre, a été traitée avec une perspective frontale afin d’être en harmonie avec le reste de l’église et le regard du spectateur. Beaucoup d’artistes ont utilisé, par la suite, ce procédé.

L'autre innovation est le réalisme et l’humanité de tous les personnages peints par Masaccio. C’est nouveau à l’époque. On voit Jésus, Marie, St Jean, Dieu et, de chaque côté, de profil, les 2 commanditaires. En dehors du plan principal, sur la partie inférieure on voit un squelette peint dont la signification est : « souviens-toi de la mort ». Les œuvres d’art, les sculptures, les peintures, ont, à cette époque là, un but de morale et d’enseignement. Ce squelette apprend aux fidèles que la vie n’est pas éternelle, que l’on meurt, que l’ont devient comme le squelette, et que, plusieurs étapes sont nécessaires pour atteindre le Paradis. Il faut d’abord mourir, quitter son enveloppe terrestre, et, pour atteindre le Paradis après la mort, il faut prier durant sa vie et prier Jésus.

Masaccio et Masolino :

Quel que soit l'artiste qui ait enseigné à Masaccio à empâter les couleurs, il faut bien garder présent à l'esprit qu'il fut dès le début, l'enfant chéri (c’était le plus jeune) du groupe des novateurs qui se réunissait autour de Brunelleschi.

A l'âge de dix-neuf ans, Masaccio était un artiste entièrement formé et déjà célèbre.

En 1422, il quitte l’atelier de Bicci di lorenzo pour échapper au système humiliant de l'atelier et s'installe à son compte. Il pouvait non seulement avoir son propre atelier, mais influencer d'autres jeunes peintres. Cela entraîna pour lui des difficultés financières, attestées par les documents. Ce n'est pas là un fait secondaire si l'on veut comprendre la conception nouvelle, individualiste, que Masaccio, en homme de la Renaissance, se fit de son métier d'artiste. Le nouveau statut social du groupe des novateurs implique la recherche de nouvelles formes d'organisation du travail et celle de nouveaux débouchés sur le marché de la peinture. On sait par les documents historiques que Donatello, l'ami et le protecteur de Masaccio, choisit quant à lui les formes juridiques de la « compagnie ». Dans la « compagnie », deux artistes indépendants se lient pour un temps déterminé afin d'obtenir plus de commandes et contrôler plus facilement une grande partie du marché. Ce rapport de complémentarité économique élargit énormément l'horizon du vieil atelier. Dans la « compagnie », les personnalités ne tendent pas à se fondre. Mais les deux artistes collaborent selon des méthodes rationnelles de répartition du travail. Donatello, bien qu'il soit le meneur de jeu, n'arrivera jamais à faire de Michelozzo son alter ego, pas même d'un point de vue purement artistique.

On ne connaît pas aujourd'hui, par insuffisance de documents historiques, quel type de rapports économiques Masolino et Masaccio décidèrent d'instaurer entre eux, en cette même année 1425 qui a vu naître la « compagnie » de Donatello et de Michelozzo. Cependant, tout laisse croire que Masolino et Masaccio furent, en droit et en fait, sur un pied d'égalité absolue. Il n'est pas douteux que Masolino n'a jamais été capable de comprendre et de s'approprier les innovations de son jeune compatriote. Mais il faut aussi se demander jusqu'à quel point il a vraiment voulu le faire, et s'il a vraiment cherché à dépasser un accord stylistique capable de donner à l'œuvre une cohérence suffisante pour que les commanditaires ne voient pas la différence de main.

L’élève dépasse le Maître et c’est Masolino qui subira l’influence de Masaccio. La présence du génial Masaccio semble avoir donné une impulsion à l’activité de Masolino trop standardisée sur les modèles de la fin du gothique, notamment par l’introduction de nouveaux principes de perspective et de naturalisme.

Travail en commun : Masolino et son élève Massacio:

La vierge à l’Enfant et Sainte-Anne :

Ce tableau a été peint pour l'église San'Ambrogio. Il est, aujourd’hui aux Offices

Masolino exécutera Sainte Anne et tous les anges, à l'exception de l’ange situé à l'extrême droite, peint par Masaccio qui peindra aussi la Vierge et l'Enfant.

Photo Internet

Les fresques de la chapelle Brancacci :

En 1424, le riche banquier Felice Brancacci [12] commande à Masolino da Panicale la décoration de la chapelle lui appartenant dans l’église Santa Maria del Carmine.

Un contrat est alors passé entre le commanditaire et l’artiste qui détermine la durée des travaux, le nombre de scènes à exécuter (un projet a certainement été établi par Masolino), les couleurs, la quantité de couleurs, le poids donc le coût exact au poids, le temps de préparation, le délai de transport pour faire venir les matières premières pour ces couleurs, chaque atelier broyant ses propres couleurs à partir d’éléments végétaux, etc.… tout était indiqué dans le contrat.

Certains pensent que Masolino s’apercevant de l’ampleur des peintures à exécuter, et voyant qu’il ne pourra pas respecter l’échéance du contrat, a demandé l’aide de son élève Masaccio.

A l’époque, un élève reste pendant 10 ans dans l’atelier de son maître. Apprenti pendant 4 ans, il balaie l’atelier, broie les couleurs, les mélange à l’huile, (l’huile existe déjà mais elle sera répandue un peu plus tard….). Puis, il devient Compagnon. Il exécute alors partiellement un tableau. Après 10 ans, il devient à son tour Maître, après avoir présenté un travail de maîtrise et avoir été reconnu par les siens. Il peut, alors, à son tour, ouvrir un atelier et enseigner son art.

Masolino demande l’aide de son élève Masaccio. Il quitte ensuite Florence pour la Hongrie, en 1425.

De 1425 à 1428, Masaccio peint, seul, les fresques. En 1428, il quitte Florence et part pour Rome. Après le départ de Masaccio, les travaux des fresques de la chapelle seront arrêtés. La famille Brancacci ayant soutenu les opposants, tombera en disgrâce et s’exilera. Les fresques seront reprises par Felipino Lippi en 1481 et la chapelle achevée en 1485.

En 1425, quand Masaccio succède à son maître dans la chapelle Brancacci, il n'a que vingt-trois ans. S'il y fit sa réputation, il n'y fit pas fortune. Les registres du cadastre de 1427 constatent qu'à cette époque il vit, avec son frère Giovanni, chez sa mère, une pauvre veuve. Il ne possède rien en propre, doit 102 livres à un peintre, six florins à un autre. Presque tous ses effets sont en gage dans les comptoirs de prêts. Il gagne, en tout, six sous par jour et paye fort irrégulièrement son aide, Andrea di Giusti, car celui-ci l'appelle en justice pour le règlement de son salaire. Est-ce cette situation embarrassée qui le chasse de Florence? Est-ce l'espoir d'une commande qui l'appelle à Rome?

Toujours est-il qu'on le voit tout à coup, en 1428, abandonner son œuvre inachevée pour se rendre dans la Ville éternelle. Une déclaration laconique d'un créancier non payé constate, quelque temps après, que Masaccio y est mort.

Tous ces détails navrants confirment le dire de son biographe (G. Lafenestre (1837-1919) : «Il fut très distrait, très en l'air, comme quelqu'un qui, ayant toute son âme et sa volonté aux choses de l'art, n'a cure de lui-même et encore moins d'autrui. Et pour ce qu'il ne voulut penser jamais en aucune manière aux soins et choses de ce monde, pas même à se vêtir, n'ayant coutume de toucher ses deniers de ses débiteurs qu'en un besoin extrême, au lieu de Tommaso, qui était son nom, on l'appela partout Masaccio, non qu'il fût vicieux (il était la bonté en nature), mais à cause de cette grande insouciance. Il était d'ailleurs si aimable en rendant service à autrui, qu'on ne pouvait désirer plus. »

Presque complètement préservée du désastreux incendie de 1771, la chapelle conserve sur ses parois les fresques que l'on peut encore admirer aujourd'hui, chefs-d'œuvre picturaux de Masolino et de son extraordinaire élève Masaccio.

Eglise Santa Maria del Carmine

Photo Internet

Photo Josette Laurent

LaChapelle Brancacci

Douze panneaux entourant l'autel, répartis sur deux niveaux et 3 murs

Plan des fresques  de la chapelle Brancacci

Photo Internet

Fresques supérieures (de gauche à droite)

1/ Adam et Eve/ Bible / Masaccio

2/ Paiement du tribut/ Actes des Apôtres /Masaccio
3/ Prédication de Saint Pierre (Masolino)
4/ Le baptême des néophytes/ Actes des Apôtres/Masaccio

5/ Saint Pierre guérissant un infirme et la Résurrection de Tabita/ Masaccio
6/ Adam et Eve avant le péché /Bible/ Masolino

Fresques inférieures (de gauche à droite).

7/ St Pierre en prison /Lippi
8/ St Pierre ressuscitant le fils de Théophile/La légende Dorée / Masaccio et Lippi
9/ Saint Pierre suivi de Saint Jean (Masaccio)
10/ Distribution des biens et mort d'Ananias (Masaccio)
11/ Dispute avec Simon le magicien/ martyre de St Pierre (Lippi)
12/ Saint Pierre libéré par un ange.

La partie inférieure du mur gauche a été commencée par Masolino


Photo Josette Laurent

La comparaison des fresques qui lui appartiennent dans la chapelle Brancacci avec celles de Masolino, son prédécesseur, et celles de Filippino Lippi, son successeur, démontre clairement sa supériorité. Que l'on compare, pour la poésie de la conception, pour la correction et pour la plénitude des formes, pour l'intensité de l'expression, l'Adam et Ève du maître dans le Péché originel et l'Adam et Ève de l'élève dans l'Expulsion du Paradis terrestre, on sentira, du premier coup d'oeil, la grandeur du progrès accompli. La composition de Masaccio, si forte et si dramatique, s'imposait si bien à l'imagination comme une composition définitive que Raphaël lui-même, en la répétant, n'y devait presque rien changer.

«Entre Masolino da Panicale et Masaccio collaborant à un même ensemble, on croirait qu'il y a l'écart de deux générations, Masolino est un maître, ses fresques à peu près effacées de Castiglione d'Olonna ont encore, dans quelques traits épargnés, la poésie de leur insidieuse pureté, ses figures d'Adam et d'Eve, à la chapelle Brancacci, respirent le charme des beaux nus d'Italie à l'époque qui précède la maturité historique, – mais Masaccio a le poids des draperies, la lenteur des rythmes, le calme de l'espace entre les figures et cette richesse de substance qui, sans bossuer le mur, donne à la peinture la pleine et paisible autorité de la statuaire.» H. FOCILLON, Art d'occident, tome 2,

Le thème du Paradis terrestre et du Paradis perdu appartient au cycle des fresques du Carmine.

Masaccio et Masolino donnèrent une représentation d'Adam et Ève très différente :

photo Josette Laurent

MASACCIO

Adam et Eve chassés du Paradis

(Haut du pilier gauche en face de celui de Masolino).

Masaccio représente Adam et Eve, après le péché, chassés du Paradis par la colère de Dieu (on aperçoit une porte étroite accentuant la tragédie, l’ange est là pour surveiller…) Décor dépouillé, ombres, cri...le portrait d’Eve est influencé par la Vénus Jacopo della Quercia. [13]

Masaccio connaît l’anatomie, la musculature…

photo Josette Laurent

MASOLINO

La tentation d’Adam et Eve

(Haut du pilier droit)Masolino représente Adam et Eve au Paradis, avant le péché. Ils sont assez hiératiques et figés mais d’une beauté remarquable. Le style de Masolino, fidèle au gothique international, élégant, reste classique. Avec les emménagements de l’église au 18ème, la fresque a perdu une trentaine de cm de haut.

. Le paiement du Tribu Masaccio

(Photo Josette laurent)

Sujet religieux, selon St Matthieu

On a écrit que cette peinture de Masaccio, "tel un schisme, a provoqué une scissure dans l'histoire de la peinture italienne" (L.Berti). Datable de 1425, elle fut réalisée en 28 jours. Narration de la scène des Évangiles en trois temps :

La scène, du Tribut de saint Pierre, où les douze apôtres, gravement drapés, se groupent si autour du Christ si naturellement, dans un beau paysage, résout du premier coup, avec une étonnante et durable autorité, les difficultés de la composition expressive. Trois scènes successives de la même action, suivant l'usage du temps, s'y juxtaposent dans le même milieu avec une clarté singulière, et le groupe central est disposé avec une grandeur ferme et simple que personne ne devait dépasser. 1. Obéissant à la demande du gabeleur vu de dos, Jésus entouré des Apôtres, ordonne à Pierre de trouver une pièce de monnaie dans la bouche d'un poisson. 2. À gauche, Pierre, "dans sa tentative de retirer l'argent du ventre du poisson, a le visage en feu à force d'être courbé" (Vasari). 3. À droite, Pierre paie le tribut c'est-à-dire l'impôt pour le Temple au receveur romain.

Architecture de la Renaissance, très dépouillée, dont Chirico [14] s’est inspiré (pas d’éléments décoratifs). La perspective est atmosphérique, brume qui va influencer Léonard de Vinci. Le paysage urbain s’incorpore à merveille au paysage de la montagne et de la merLes personnages sont sculpturaux, vivants, leur position est inspirée de la sculpture des 4 Saints couronnés de Nina di Banco. Eglise Orsanmichele à Florence

Photo Josette Laurent

En exécutant cette fresque, Masaccio a fait un parallèle avec la vie religieuse et la vie quotidienne (réforme fiscale de 1427 à Florence instituant une déclaration des revenus) et exécuté le portrait de ses contemporains. En même temps, les problèmes de la perspective, du clair-obscur, du modelé, y sont tous abordés à la fois et déjà résolus, sans ostentation et sans effort. La supériorité de Masaccio, comme sera plus tard celle de Raphaël, est d'être grand sans le savoir et d'être savant sans le dire.

La Résurrection du fils de Théophile (Masaccio)

à droite : Saint Pierre assis en chaire. (Masaccio/ Lippi)

groupe_Masaccio

Photo Internet

à l'extrémité droite de la scène. Masaccio s'est représenté, le regard tourné vers nous, avec à sa droite, Masolino, plus petit, et derrière Léon Battista Alberti et Brunelleschi

Où avait-on vu auparavant des figures aussi vivantes se détacher, avec un relief si juste, dans une atmosphère si respirable? Où aurait-on trouvé une série de portraits contemporains, aussi frappants et expressifs que ces rangées de citoyens florentins groupés, dans leurs longues robes, de chaque côté de la Résurrection de l'enfant » (la résurrection du fils de Théophile) devant un mur de marbre surmonté de pots de fleurs, sous un ciel bleu de printemps?

La résurrection du fils de Théophile inspirée de la Légende Dorée, se divise aussi en 3 parties.D’après une histoire apocryphe tirée de La Légende dorée, l’apôtre Pierre qui prêchait la foi du Christ, fut jeté en prison par Théophile, le préfet païen d’Antioche. Il y serait demeuré sans l’intervention de son frère Paul qui instruisit le prince des pouvoirs de Pierre, parmi lesquels le don de ressusciter les morts. Apprenant cela, Théophile donna son accord à la libération de l’apôtre, à une condition, apparemment impossible : la résurrection de son fils mort depuis quatorze ans. Dans ce portrait du fils, certains voient le fils d’un Visconti qui a été assassiné ; il renaît de ses cendres/ le portrait de Théophile est le portrait de Visconti/ portrait du chancelier de Florence médiateur entre Florence et Milan. Portrait du personnage mains croisées : ennemi des Visconti.

Saint Pierre guérit les malades avec son ombre Masaccio Cette œuvre est coincée entre l'angle du mur et un autel moderne

Photos Josette

Laurent

Le premier malade est déjà debout et rend grâce au saint. Le second se relève. Le troisième est encore à terre, infirme, la jambe droite atrophiée. Leurs regards convergent vers Pierre. Ni Pierre ni Jean ne les regardent. La scène est conçue d'une manière très vivante : c'est l'effet produit par la marche des apôtres dans cette rue tracée en oblique sous nos yeux ; ils viennent vers nous. On peut y voir le triomphe du réalisme du Quattrocento

La distribution des biens et la mort d'Anania Masaccio


Photo Josette Laurent

L'épisode est tiré des Actes des Apôtres.

Saint Pierre et saint Jean faisaient la charité, distribuant des biens aux premiers chrétiens qui vivaient en communauté d'hommes pauvres et égaux, où l'on proscrivait l'accumulation personnelle de biens et l'enrichissement de l'individu. Alors pourquoi cette scène?

Anania a menti au sujet du prix de vente de ses terres et en a conservé une partie. Le mensonge fait qu'il tombe foudroyé aux pieds de Saint Pierre.

Sa femme Saffira (Saphir) tient leur enfant dans ses bras et écoute saint Pierre.

Le Saint Pierre et le Saint Jean guérissant les malades, le Saint Pierre distribuant les aumônes témoignent, d'un esprit d'observation libre et hardi, qui ne craint pas d'introduire dans l'art, quand il le faut, la représentation franche et émue des infirmités physiques et des misères morales. On ne peut donc être surpris que tous les Quattrocentisti, si ingénieux et si savants, bien plus habiles pour la plupart, soient venus demander, dans cette petite chapelle, des leçons de simplicité, de noblesse et d'harmonie à ces humbles fresques interrompues par la misère et par la mort, sans pouvoir ressaisir toute l'âme disparue du pauvre Masaccio. Il faudra vraiment attendre près d'un siècle pour qu'il se présente des génies de taille à lui succéder, un Léonard de Vinci ou un Raphaël!

Le baptême des néophytes (Masaccio)

C'est avec de belles figures nues comme celles des néophytes en train de se déshabiller dans le Baptême de saint Pierre, que le sentiment de la beauté corporelle rentre décidément dans la peinture.

masaccio
(photo Internet)

 

 

La Guérison de l'infirme et la Résurrection de Tabita (Masolino et Masaccio)


(Photo Internet)

On peut considérer la naissance de la peinture moderne comme ayant eu lieu en 1426 dans l’église Santa Maria del Carmine à Florence avec les fresques qu’il exécuta seul.

Pour la première fois le modelé est obtenu avec de l’ombre et de la lumière, chaque figure se meut à son plan, repose solidement sur le sol et semble bouger avec aisance. Il n’y a plus la gaucherie des gestes des personnages des Primitifs et les architectures sont proportionnées aux figures : tout

archaïsme a disparu.

Masaccio a le sentiment des valeurs : il projette de grands ombres et emploie des couleurs rompues.

Désormais la peinture sera dans son véritable domaine qui est celui de la lumière.

Autres œuvres de Masaccio : (Photos Internet)

La Vierge avec 2 anges

Portrait de jeune homme

Portrait

Crucifixion

La Madone de l’Humilité

La Vierge à l’enfant

En 1425, année du Jubilée, Masaccio est à Rome. Il y retrouve Masolino.

La première commande artistique significative se produit en 1425, lorsque Martin V commanda à Masaccio la réalisation du polyptyque de la Madone de la Neige pour la chapelle Colonna à Santa Maria Maggiore.

Masaccio et Masolino peignirent ensemble ce Polyptique.


Photo Internet

Cette commande marque le départ vers l'assimilation d'une sensibilité humaniste, qui se répandra plus tard dans l'ambiance culturelle romaine.

Mort de Masaccio.

Il mourut à Rome, en 1428, de mort mystérieuse, probablement empoisonné.

Vasari relate dans son ouvrage « vies des peintres « :

« On dit qu’en apprenant sa mort, Filippo Brunelleschi s’écria : » nous avons fait une perte immense en Masaccio ! » Il ressentit une profonde douleur, d’autant plus qu’il s’était appliqué longtemps à lui enseigner quantité de problèmes de perspectives et d’architecture. Masaccio fut enterré dans l’église del Carmine, l’an 1443, et comme, pendant sa vie, ses concitoyens l’avaient peu apprécié, on ne prit pas soin de rappeler sa mémoire par quelques inscriptions sur son tombeau. »

CONCLUSION

Comme pour l'architecture et pour la sculpture, ce fut un Florentin de génie qui ouvrit la voie nouvelle à la peinture.

Masaccio était, au dire de Vasari, l'ami de Brunelleschi et de Donatello; mais, s'il accomplit comme eux la rénovation, ce fut avec moins de violence: d'abord il eut la sagesse de ne point copier les sculptures antiques, qui auraient fatalement enlevé à la peinture sa chaleur et sa liberté; puis il ne copia dans la réalité que ce qu'elle lui offrait de mesuré et d'harmonieux.

L'habile artiste qui fut son maître, Masolino da Panicale avait fait dans ses fresques de Castiglione d'Olona, en Lombardie, et du Carmine à Florence, la première tentative pour ranimer la peinture par l'imitation de la vie ordinaire; non seulement il copiait des costumes italiens contemporains, mais il introduisait dans ses scènes religieuses des portraits énergiques et des figures nues d'un dessin précis, et, tout en conservant le paysage traditionnel des œuvres de Giotto, il montrait dans l'architecture un début de perspective linéaire répandue par Brunelleschi.

Toutes ces indications, Masaccio les développa sans effort, de manière à atteindre dans le dessin des têtes et des corps, par la simplification et la généralisation du modèle, une noblesse qui sera à peine dépassée par les peintres futurs.

D’un caractère affable et ouvert, Masaccio était très lié avec Brunelleschi, qui lui enseigna la perspective, mais aussi avec tous les réalistes enthousiastes et tous les savants laborieux qui formaient son entourage. La sincérité de Donatello ne ferme pas ses yeux à la noblesse de Ghiberti [15] ; s'il estime Uccello [16] , il n'apprécie pas moins Gentile da Fabriano [17] et Fra Angelico [18] . Sa supériorité fut d'opérer, sans effort apparent, par l'essor naturel d'un esprit grand ouvert, la fusion de toutes les qualités éparses chez ses compatriotes

Naturaliste convaincu, avide de vérité, il abordait de front toutes les difficultés techniques et les résolvait avec une aisance qu'on ne connaissait pas encore. La science, dans l'art, ne l'effrayait pas, mais il ne sacrifia point l'art à la science.

.

Sa gloire fut de réaliser, avec la force d'un tempérament plus viril et l'élan d'une imagination plus haute que n’importe quel autre artiste, ce qu'avait été naïvement tenté.

Tout en travaillant au progrès technique, il sut conserver de la tradition de Giotto ce qui était durable, les amples draperies, les gestes majestueux, les compositions frappantes…l'accord de l'idéal et du réel, de la poésie et de l'exactitude, de la grandeur et de la vérité.

A mi-chemin entre Giotto et Raphaël, portant comme eux dans ses mains une grande lumière, Masaccio est le véritable héritier de l'un et l'ancêtre évident de l'autre. Son œuvre modeste n'a pas eu moins d'action que leur œuvre immense.

Ce fut ce pauvre jeune homme, peu prisé de ses compatriotes, sauf de quelques artistes, qui, par un coup d'audace, résumant, sur quelques mètres de muraille, tous les progrès accomplis par les efforts individuels depuis un siècle, marqua de nouveau au génie italien sa destinée, en le remettant, avec toute la force d'une technique perfectionnée, dans la voie large et droite ouverte par Giotto.

Il réunit, dans la petite chapelle Brancacci dans l’église Maria del Carmine, ce que devait, plus tard, réunir Raphaël : la pensée du XIVe siècle et la science du XVe


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Annexe I Propos et citations sur Masaccio

Vasari écrit dans son ouvrage de la vies des peintres : Devant les fresques de la chapelle Brancacci …. « un jour, Michel-Ange donna, en ma présence, les plus grands éloges à ces figures qui, disait-il, devaient être plus vivantes du temps de Masaccio. »

Et lui-même dit :« …une quantité de dessinateurs et d’artistes en tout genre ont constamment fréquenté cette chapelle (la chapelle Brancacci) qui renferme des têtes si belles et si expressives que l’on peut dire avec assurance qu’aucun maître de cette époque s’approcha autant de Masaccio des peintres modernes. Ses efforts méritent donc des louanges infinies, surtout après avoir créé le beau style de notre époque ; et, pour prouver la vérité de ce que j’avance, je dirai que tous les peintres et sculpteurs qui sont venus étudier dans cette chapelle et y prendre des copies sont devenus des maîtres imminents, tels que Fra Giovanni de Fiesole, Filippino Lippi, Michel-Ange, Raphaël d’Urbin, Léonard de Vinci et quantités d’autres……… »

Il est le seul peintre que cite Léon Battista Alberti [19] , dans la dédicace de son Traité de la peinture (1436), parmi les grands novateurs de la Renaissance, avec l'architecte Filippo Brunelleschi et les trois sculpteurs Donatello, Lorenzo Ghiberti et Luca Della Robbia, artistes dont le génie est tel qu'on ne peut « les faire passer après aucun artiste aussi ancien et fameux qu'il soit dans ces différents arts »

Delacroix: l'influence de Masaccio sur Raphaël :
«Deux hommes ont eu sur le talent de Raphaël une influence extraordinaire: Masaccio et Michel-Ange. Ils ont fait de lui, si on peut le dire, deux hommes différents dans les deux époques qui partagent sa vie. Parlons d'abord de Masaccio.
La postérité, qu'on dit si juste apparemment pour consoler ceux qui n'ont pas la faveur de leur siècle, a mal traité bien des hommes dignes d'un meilleur sort, ou plutôt, l'ingrate qu'elle est, elle a souvent immolé une gloire ancienne à une nouvelle. Elle a caché la figure de Masaccio derrière les rayons dont elle a entouré Raphaël; et peut-être qu'un demi-siècle plus tard, un si beau génie eût eu une destinée toute contraire. Né misérable, presque inconnu pendant la meilleure partie de sa courte vie, il a opéré à lui seul dans la peinture la révolution la plus importante qu'elle ait subie. C'est de lui que date la splendeur de l'école italienne. Jusque-là, elle n'avait point rencontré ce charme qui lui est particulier, des expressions vraies jointes à une grande beauté et à une grande pureté. Les mérites et les défauts des peintres italiens qui l'ont précédé se confondent avec ceux des écoles allemandes, quoique dans le Giotto, Cimabue et quelques autres un peu postérieurs, tels que Gozzoli, Orcagna, etc., la tendance vers la beauté fût déjà sensible.

Masaccio agrandit le caractère du dessin: il débarrassa ses figures de ces plis mesquins et serrés autour du corps comme des langes, qui semblaient les emprisonner plutôt que les couvrir. Il connaît les raccourcis, et ses figures ont vraiment de la vie et du mouvement. Dès lors, le retour vers la sécheresse des premiers âges fut impossible. Qui peut dire ce qu'il eût rencontré de perfections nouvelles dans un âge plus mûr; et qui affirmerait qu'il n'eût pas, effacé Raphaël lui-même? La douceur de ses mœurs et une vie presque ignorée ne purent trouver grâce aux yeux de l'envie... Le poison trancha ses jours, et il expira au milieu de ses chefs-d'œuvre, à un âge où d'autres s'essayent encore.» EUGÈNE DELACROIX, "Raphaël", Revue de Paris, 1830.

Marc di Napoli [20] (Atelier Bleu de Naples)
Extrait: «Les peintres ont intégré dans leurs oeuvres cette notion fondamentale de la carnation pour mieux en visualiser la réalité. Masaccio le novateur, sera le premier à représenter dans ses peintures la carnation humaine du divin.»

Annexe II- Une ressemblance étonnante : LE SUAIRE DE TURIN et LE VISAGE du Christ des fresques du peintre MASACCIO C’est un artiste Hongrois, Ferenc Svindt, graveur de timbres, qui a fait cette découverte : Le Visage du Père, de Masaccio sur une fresque dans le couvent de Santa Maria Novella à Florence et le visage de l’Homme du Suaire de Turin ont une ressemblance étonnante . Ferenc Svindt a produit ainsi une " image des deux visages " qui a été tirée en timbre par les Postes de Hongrie à Pâques 1999. C’est certainement le début d’une aventure qui n’a pas dit son dernier mot.
Voici comment il explique sa découverte :
" On m’avait demandé de peindre une image pour décorer l’autel dans une grande réunion religieuse où devaient venir des milliers de personnes, la Rencontre Nationale du Renouveau en Hongrie. Comme je suis moi même croyant, j’ai prié avec ma femme, et mes frères de la Communauté Emmanuel, et je pensais à peindre le visage du Sauveur tel qu’on le voit sur le saint Suaire. Au cours d’une prière de louange du matin on m’a communiqué cet texte de l’Ecriture : " Si donc j’ai trouvé grâce à tes yeux, daigne me faire connaître tes voies… " - Yahvé dit " Ma face vous accompagnera… "(Livre de l’Exode, Ch 33, versets 13 à 16. )"" Au début je voulais simplement agrandir une photo du Saint Suaire et la copier sur la toile, car je n’osais pas créer moi même un visage de Jésus. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas faisable. "" Alors j’ai feuilleté des livres d’art pourvoir comment les grands maîtres de la peinture avaient représenté le visage du Christ. Et c’est ainsi que j’ai découvert une ressemblance étonnante entre le visage de Dieu le Père d’une fresque du peintre Masaccio et le visage se trouvant sur le Saint Suaire. Il s’agit d’une fresque représentant la sainte Trinité, dans l’Eglise Santa Maria Novella à Florence. " " Plus, après une analyse comparative menée sur mon ordinateur, j’ai été bouleversé : j’ai découvert que, non seulement les deux visages se ressemblent beaucoup, mais que leurs traits principaux sont pratiquement identiques. " " Il est peu probable que Masaccio ait pu voir le Suaire car à cette époque, la fin du XIVème siècle et début du XVème, le saint Suaire était gardé en France, et je n’ai trouvé aucune allusion dans la biographie de Masaccio à un voyage dans ce pays. De toute façon, je suis convaincu que, même s’il avait vu le fameux linceul tel qu’il se présentait alors, sans l’aide de la photographie, il n’aurait pu voir qu’une image négative et quelques taches à peine visibles. Je crois que la fresque de Masaccio est une œuvre inspirée, inspirée par l’Esprit Sainte. En la voyant j’ai compris que le Père s’est véritablement révélé dans le Fils, et par le Saint Esprit, selon ces paroles de Jésus dans l’Evangile de saint Jean : " qui m’a vu a vu le Père ". Et moi en voyant le visage du Christ dans le Suaire et celui du Père dans la peinture de Masaccio, le mystère de l’unité du Père et du Fils est devenue pour moi plus réelle, plus accessible. "" Et maintenant, je rends grâce au Seigneur d’avoir pu réaliser cette image des " deux visages ". On ma demandé d’en faire le timbre de Pâques 1999 pour les Postes Hongroises, et je suis heureux qu’au delà du timbre, cette " image des deux visages " puisse être regardée par beaucoup, et qu’elle leur parle du Père et du Fils ". (Photos Internet)

Annexe III

Le travail de la fresque

Dès l'époque romane, le travail de la fresque était réalisé par "pontate". Grâce aux échafaudages ("ponte"), on travaille à partir de la partie haute et à chaque fois que l'on passe à un niveau inférieur, on doit faire des raccords.

pontate

Ci-contre, le travail par bandes horizontales ("pontate" ou "pontaggi") C'est le cas du travail de Giotto dans l'église S. Croce à Florence.
L'auteur note que les trous dus aux échafaudages sont parfois visibles aujourd'hui. Ils ont été camouflés par de l'intonaco qui n'a pas toujours résisté au temps. Désormais la réalisation de la fresque n'est plus liée à la position des échafaudages mais à la décision des ouvriers quant à la surface à réaliser dans le cadre d'une journée de travail. Une couche légère d'intonaco ("velo") est d'abord appliquée sur la portion du mur que l'on prévoit de peindre avant la fin de la journée. Une attention majeure est apportée pour masquer les joints entre deux journées : ces interventions sont seulement faites à la tempera. D'où l'intérêt de techniques pour prolonger l'humidité. (Photo Internet)

Ainsi dans l’église de S. Francesco, à Arezzo, Piero della Francesca a eu recours à des piles de linge mouillé qu’il appliquait sur la surface enduite pour qu’elle reste fraîche jusqu’à ce qu’il soit prêt à la peindre ! L'habileté de l'artiste est donc décisive ainsi que l’importance du sujet à traiter. Giotto, par exemple, dans Le Jugement dernier de Padoue, a pu peindre en une seule fois une douzaine de têtes du groupe des Élus, ou au contraire consacrer toute une séance à un seul portrait comme celui du donateur Enrico Scrovegni.

A l'occasion de la restauration de la Chapelle Brancacci, à Florence, la délimitation et la numérotation des journées "giornate" sont figurées sur une photographie de la fresque de Masaccio « L'ombre de saint Pierre.» Les flèches indiquent le sens du recouvrement par la peinture aux limites des "giornate". Les visages, on le conçoit aisément, représentent des "giornate" de plus petite surface alors que le sol ou les murs sont travaillés par unités plus vastes. On sait que dans certains cas —et ceci se retrouve dans les tableaux peints à l'huile du XVIè au XIXè siècle— le maître se réserve les morceaux de choix (le portrait par exemple) et laisse le reste à ses élèves. Masaccio était seul à exécuter ses fresques.

L'étude attentive des différences de couleur permet de distinguer les limites des "giornate". Prenons l'exemple, toujours à la Chapelle Brancacci, d' «Adam et Ève chassés du paradis terrestre» :

Adam_et_Eve_chass_s

Autour de l'Ange, le ciel est plus clair par manque d'azurite alors qu'autour d'Adam on a un bleu d'azur plus soutenu qui correspond à la "giornata" de la réalisation du corps d'Adam par Masaccio. Dans le cas précis de cette œuvre, l'incendie de 1771 a aussi détérioré certaines couleurs : derrière la tête d'Adam, il devrait se trouver des rayons dorés mais la peinture dorée a fondu et ne reste que son support foncé

Photo Internet

Les images à réaliser sont souvent dessinées en contour à l'ocre rouge. Dans certains cas, on note la présence de crayonnages, tracé sur le plâtre frais, pour aider à la figuration. Une fois que le dessin est recouvert, le peintre doit se fier à sa mémoire, ou bien suivre un projet à l'échelle.



[1] Léonard de Vinci 1452-1519, peintre, sculpteur, musicien, architecte, physicien, astronome, savant, géologue, géomètre, botaniste, ingénieur mécanicien et militaire, inventeur, horloger, urbaniste, anatomiste…..

[2] Raphaël, 1483-1520, peintre et architecte italien de la Renaissance

[3] Delacroix voir page 21

[4] La grande peste noire s’abat sur l’Italie pour gagner ensuite l’Europe entière décime environ plus de la moitié des populations urbaines

[5] De 1378 à 1417 Grand Schisme d’Occident : au pape qui a réintégré Rome en 1377, s’opposent un antipape résidant en Avignon, puis un autre à Pise qui, définitivement vaincue, tombera aux mains de Florence en 1406.

[6] Vasari Écrivain, peintre, architecte italien (1511-1574), auteur du précieux recueil intitulé « les vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes. »Fonde, en 1562, l’Académie de dessin à Florence.

[7] Donatello, né à Florence en 1386, mort à Florence en 1466. Il est certainement le plus grand des sculpteurs toscans qui précèdent Michel-Ange, et s’il est loin d’égaler la vigueur et la puissance de conception de ce dernier, il lui est de beaucoup supérieur au point de vue de la délicatesse du travail, de la vérité des détails, de l’expression du caractère et de l’habilité d’exécution, soit dans le maniement du bronze, soit dans celui du marbre.

[8] Filippo Brunelleschi, né en 1377 à Florence et mort en 1446, peintre, orfèvre, architecte. Il laisse une œuvre architecturale, réalisée pour l’essentiel à Florence, (Dôme…) pendant la 1ère moitié du quattrocento, puis complétée par ses élèves comme Michelozzo et Alberti ? qui fait de lui un brillant initiateur de la Renaissance .

[9] Voir page 7 Masaccio et Masolino

[10] Images religieuses. Technique des icônes : le doré est appliqué sur un fond de couleur rouge, afin que le doré ne soit pas froid.

[11] Dans le christianisme, le mot Trinité désigne Dieu, unique en trois personnes égales, Père, Fils et Esprit Saint et participant à une même nature.

[12] Felice Brancacci : époux de la fille de Pala Strozzi, Ambassadeur de la République de Florence auprès du Sultan d'Egypte et commissaire de Florence dans la guerre qui opposa Florence et Bresca.

[13] Jacopo della Quercia, né à Sienne en 1374 et mort en 1438, sculpteur italien du quattrocento florentin.

[14] Giorgio de Chirico, 1888-1978, peintre italien

[15] Lorenzo Ghiberti né et mort à Florence 1378-1455, sculpteur du quattrocento dont l’œuvre s’inscrit dans le vaste mouvement de renouvellement de l’art occidental qui donna naissance à la renaissance.

[16] Paolo Uccello peintre italien ( né à Florence- Italie- en 1397, mort à Florence en 1475) fait partie des peintres du Quattrocento ayant marqué l'histoire de la peinture par sa maîtrise des nouvelles règles de la perspective. Vasari écrit dans sa vie des grands artistes :« Paolo Ucello aurait été le peintre le plus élégant et le plus original depuis Giotto, s’il avait consacré aux figures d’hommes et aux animaux, le temps qu’il perdit dans ses recherches sur la Perspective »

[17] Gentile da Fabriano (né vers 1370 - ~ 1427) peintre italien connu pour sa contribution au style gothique.

[18] Fra Angelico 1395-1455 surnommé le peintre des anges.

[19] Léone Battista Alberti né en 1404 à Gênes et mort en 1473 à Rome, écrivain, philosophe, peintre, architecte, théoricien de la peinture et de la sculpture.

[20] Napoli : Acteur français né en 1953, peintre également à Concarneau (France)

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